mardi 30 juin 2015

Le Martinisme est une Arche où est célébré le culte de l'Alliance

 
 






 
Le Martinisme, s’il est fidèle à sa mission, doit être une école de prière, conformément aux enseignements de Louis-Claude de

Saint-Martin dont on sait la force avec laquelle il insista sur la nécessaire et préalable purification du coeur pour avancer dans le

Sanctuaire de la Vérité ; c'est aussi un authentique séminaire où sont progressivement découverts, et remis entre les mains de

l'initié, les « objets » du culte intérieur, les instruments sacrés qu'il aura à utiliser pour se présenter devant la face de Dieu.

Voie « cardiaque », voie interne d'adoration, s’appuyant et se fondant sur la pratique de la contemplation et de la louange, le

Martinisme est donc en quelque sorte, une Arche où, pieusement, est conservée la pratique de la célébration de l'Alliance du

Créateur avec l'homme, mais avec un homme sanctifié, régénéré « perpétuellement et en entier dans la piscine du feu, et dans la

soif de l'Unité », comme l'exprima magnifiquement le « Philosophe Inconnu », afin que puisse s'accomplir la principale religion,

celle qui consiste à relier et réunir « notre esprit et notre coeur à Dieu », pour que l'homme soit rétabli dans les prérogatives de

sa première origine, accomplissant, enfin, son indispensable « Réconciliation ».

De façon prémonitoire, Saint-Martin avait prévu, sachant la lenteur des progrès de l'âme humaine, que son action ne porterait ses

fruits qu'après avoir quitté cette terre.

Son immense mérite, dont chaque Martiniste célèbre à présent l’aspect providentiel, étant d’avoir su, le temps de son passage en

cette vallée de larmes, nous remettre en mémoire les devoirs que nous impose notre véritable essence, prophétisant avec une

rare lucidité :

« Ma tâche dans ce monde a été de conduire l’esprit de l’homme par une voie naturelle aux choses surnaturelles qui lui

appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement l’idée, soit par sa dégradation, soit par l’instruction fausse de ses

instituteurs. Cette tâche est neuve, mais elle est remplie de nombreux obstacles ; et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma

mort qu’elle produira les plus beaux fruits. »

(Saint-Martin, Mon Portrait historique et philosophique, 1135).



mardi 23 juin 2015

L'Ange de la Mort


article de Robert Ambelain (1963)
© France-Spiritualités™

Cet article a paru originellement dans le N°58 de la revue Initiation et Science (Juillet-Septembre


1963). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.
« Lorsqu'un homme va quitter le monde,

l'Ange de la Mort apparaît pour conduire son Ame où elle doit aller... »

« Ceux qui ont vu l'Ange de la Mort disent

qu'il possède des yeux le couvrant tout entier... »

(Midrachim : Pesikta 41) (1)

L'Institut de Recherches Métapsychiques du regretté Docteur Osty a souvent publié le résultat


de ses expériences. Les revues spirites le font fort souvent pour celles relevant de leur enseignement

et des pratiques en dérivant. Parfois même, les ethnographes publient des comptes rendus fort

intéressants de cérémonies s'insérant dans le vaste domaine de la magie des primitifs. Seule, la

vieille Magie d'Occident dissimule le résultat de ses mystérieuses "opérations" sous le voile d'une
discrétion absolue. Et si l'on excepte la célèbre évocation d'Apollonius de Tyane par le mage

Eliphas Lévi, et qu'il a lui-mème relatée, vers la fin du siècle dernier, puis le récit (authentiquement

vécu), de Noël de La Houssaye : L'Apparition d'Arsinoë, (Paris 1948, La Colombe édit.), et celui

donné par P. Piobb dans la revue Consolation, avant la guerre, on a rapidement fait le tour des


évocations magiques relatées, tout au moins ayant trait à des évocations provoquées
expérimentalement (2).

Le présent récit a trait à une évocation non provoquée, soit à une apparition, consécutive à la


mise en oeuvre d'un rituel à forme magique, mais mise en oeuvre qui ne supposait ni n'imaginait pas
d'avance un tel résultat. Elle a précédé celle relatée dans notre ouvrage Templiers et Rose+Croix,

(Adyar édit. - Paris 1955), aux pages 99 à 117. Elle eut pour sujet le même martiniste dissimulé

sous le nom d'ordre d'Aurifer, et c'est donc lui-même qui parle dans la relation qui suit. Aurifer


atteste encore aujourd'hui, sur son honneur, que rien n'y est inventé, et que tout se déroula
exactement comme dans ce récit. Laissons-lui maintenant la parole.





*

* *



« J'ai toujours aimé la Géomancie. Je l'ai aimée pour sa sècheresse, dépouillée de ce que les


tarots, le cristal, la rabdomancie et l'astrologie, peuvent conserver de romantique. Et aussi pour
son caractère mathématique, pour ses Figures qui naissent de calculs aussi simples que la banale



notion du pair et de l'impair. Je l'ai aimée également pour cette démonstration extraordinaire

qu'elle nous donne d'un manichéisme bien compris : en haut, l'Absolu, le Divin, nécessairement

unique. En bas, le Dualisme, l'opposition de deux principes métaphysiques : nécessairement


contradictoires et opposés.
Un jour vint où, mis en présence de l'existence, autrefois, d'un rituel géomancique à forme


magique, je compris qu'il pouvait avoir un intérêt prodigieux, et je résolus de le mettre en action.

Par de providentielles relations, je parvins à faire copier au Maroc un très ancien "almadel",

géomancique arabe, grand plateau de cuivre rouge gravé d'inscriptions rituelles. Je fis venir,

recueilli dans les formes anciennes, la quantité de sable nécessaire (la géomancie arabe est d'abord
"l'art-du-sable"), la baguette de frappe en bois de cèdre. Le reste fut confectionné à Paris. Comme


on ne doit jamais interroger "le sable" a par simple curiosité, j'attendis d'en avoir un motif, sans
aucune impatience. Et ce jour vint... (3).


Chez des amis communs, nous rencontrions chaque semaine une jeune femme charmante, mais
à tête légère, laquelle vivait en concubinage avec un jeune ingénieur de grand avenir. Un jour,

ayant reçu une demande en mariage, elle mit son ami en mesure de lui donner l'assurance d'un

mariage prochain. Sinon, elle lui déclara vouloir vivre une vie régulière, et épouser le nouveau


prétendant.

Fort ennuyé (car il l'aimait sincèrement), le jeune ingénieur tenta de lui faire comprendre que
les différences sociales entre eux étaient fort mal vues par sa mère et toute sa famille, qu'il valait

mieux attendre, que de toutes manières, il n'avait nulle envie d'en épouser une autre. Furieuse, la

jeune femme vint nous demander de lui dire, par le truchement de l'Astrologie Horaire (4), ce qu'il


fallait tirer de cette vague promesse. Nous acceptâmes.

Mais, à tête reposée, nous estimâmes que la question méritait d'être éclaircie par la Géomancie

plutôt que par l'Astrologie des Interrogations. Et un mardi soir, à la neuvième heure (heure de
Mars), la question fut posée selon les règles du vieux rituel arabe (5).

Sur une grande table octogonale, servant d'autel, orientée vers le Nord, une grande nappe


noire, portant brodés en rouge, les Noms Divins de la Kabbale, les "Sceaux de Salomon", la
"Croix" centrale, et le célèbre "A. G. L. A." (6). Sur la nappe noire, le grand plateau carré de

cuivre rouge, empli du sable sacré, ramassé sur les flancs duSinaï. Aux angles de l'almadel, quatre

flambeaux d'étain, garnis d'une cire noire chacun. (On sait que le noir est la couleur traditionnelle

de la Terre.) Devant l'almadel, un gros brûle-parfum de cuivre, garni de braises ; dans le brûleparfum,

se consume le parfum rituel, mélange d'encens d'oliban et de galbanum, auxquels on


adjoint une certaine quantité de feuilles de datura stramonium pulvérisées. Au milieu de l'almadel,
posé à même le sable, le cristal. Et ainsi, nous attendîmes que l'heure planétaire soit venue (7).


Nous n'avions encore proféré aucune parole rituelle, aucun appel, aucune question. Pour nous,

le moment n'était pas encore venu, rien n'était commencé. et par conséquent rien ne devait se

passer. Nous tenons à souligner ce fait, il a son importance.

C'est alors que se produisit un phénomène absolument inattendu. A notre droite, presque contre

nous, venant de derrière nous, une haute silhouette sombre glissait lentement et sans bruit.
Silhouette humaine, sans doute, d'une taille d'environ un mètre quatre-vingt-cinq de hauteur,

totalement coiffée et revêtue d'un voile de crêpe noir tombant jusqu'à terre. A hauteur du front, sous


le voile, deux yeux rayonnaient d'une vague lueur bleuâtre, reflétant un sourire intérieur à la fois

indulgent et ironique. Et sous le crêpe tombant jusqu'à terre, mouvantes, étincelaient comme des

paillettes d'or.

La silhouette glissait toujours, lentement, sans un mouvement ; à travers elle, je pouvais

distinguer vaguement les meubles de l'oratoire, devant lesquels elle passait. Finalement elle

s'immobilisa en face de moi, de l'autre c6té de la table octogonale, avec le même énigmatique
sourire immobile, irradiant des yeux sous le crêpe. Persuadé que les fumigations rituelles, trop tôt


commencées, étaient la cause de ce que je considérais déjà comme une hallucination, je

m'arrachais à cette vision d'un effort de volonté, et, aussitôt, elle disparut.
L'heure était venue de commencer l'interrogation. Lorsque toutes les oraisons propitiatoires

furent dites (8), vint la jetée des points dans le sable, l'apparition des Figures Géomanciques, et

leur interprétation. La réponse n'était pas encourageante, le mariage était douteux, et si mariage il


y avait, il avait lieu loin dans le temps... Bien loin !

Il convenait alors d'interroger la boule de cristal posée ait centre du sable. La prière rituelle
prononcée, sur notre droite, (à la gauche de la sphère par conséquent), une scène colorée se

déroula aussitôt. Nous vimes d'abord la place d'Armes, à Versailles, et dès que nous eûmes identifié


l'endroit, mentalement (comme si l'opérateur invisible avait, percé notre pensée), la scène disparut.

Un ravissant visage de jeune fille parut alors, couché sur le côté et les yeux clos, portant des nattes
tressées en couronne sur chaque oreille. Puis tout disparut. Nous reprîmes alors conscience avec la


réalité, et, avec surprise, nous constatâmes que l'horloge marquait dix heures du soir. Tout ceci
avait pris une heure, et semblait s'être déroulé en quelques minutes... (9).


La jeune femme fut mise au courant de tout ce qui avait été retenu de l'opération quant à la
possibilité de son mariage. Nous la mîmes en garde contre une rivale possible, fort jeune, habitant

Versailles, place d'Armes, et portant des nattes roulées "en coque" sur chaque oreille... Le soir


même, le jeune ingénieur devait, bien entendu, fournir des explications ! Et elles furent, à

proprement parler, ahurissantes.
Certes, il avait été question deux années auparavant, en sa famille, d'un mariage possible avec

une jeune fille, portant des cheveux tressés et roulés en "coque" sur les oreilles. Et cette jeune fille

habitait bien alors Versailles, place d'Armes. Vais elle était morte à cette époque même, emportée

par une péritonite foudroyante (10). « Tu n'as donc rien à craindre d'elle, ajoutat-il... » Malgré


cette assurance, la jeune femme rompit et se maria avec le candidat qui avait été à l'origine de

toute cette affaire. Nous ne la vîmes plus, et elle ne paraîtra plus en ce récit.
*

* *



Bien entendu, nous fûmes amené à conter la chose à des amis occultistes. L'un d'eux, Jules

Boucher, conclut ainsi : « Tu es certainement passé sur in autre plan, dans une autre "dimension",


ce qui explique l'apparition étrange et inattendue, et la différence entre le "temps" ressenti et le
temps réel écoulé... Des expériences de ce genre sont fort rares dans les annales de la Magie...

Nous étions alors en 1937. Deux années plus tard, les Editions Adyar publiaient La Cabale

Mystique de Dion Fortune. Constitué de divers enseignements venant de la célèbre école initiatique
anglaise Golden Dawn, l'ouvrage et son auteur, (élève du célèbre occultiste anglais MacGregor


Mathers), nous apportaient une précision surprenante. La La Cabale Mystique nous apprenait en


effet qu'en Asiah, ("plan" qui, selon la Kabbale, est le plus proche et pénètre même notre monde
tangible), l'élément Terre était symbolisé par le noir pailleté d'or... Ceci expliquait donc que

l'apparition de 1937 fut revêtue d'un crêpe pailleté d'or, puisque la Terre était l'élément, le "plan"

opérationnel, de la Géomancie. Et il est bien évident qu'en 1937, nous n'avions pas encore lu la La

Cabale Mystique, sortie des presses en 1939...

Trois ans passèrent. Un jour, à la Bibliothèque Nationale, recueillant des traditions sur le

"légendaire" salomonien, nous rencontrâmes dans un ouvrage cette précision : dans l'iconographie

musulmane, l'Ange de la Mort, Azraïl, est toujours représenté revêtu d'un suaire noir tombant


jusqu'à terre...

Nous étions en 1942. Quelques années passèrent, où ce genre de recherches fut abandonné, et

d'autres occupations initiatiques nous prirent tout notre temps. En 1947, nous reprîmes le

rassemblement de tout ce qui constituait le même "légendaire" salomonien. En un autre ouvrage,

nous lûmes avec stupeur ceci : « La géomancie, ou art-du-sable, est une pratique condamnée par
tout l'Islam orthodoxe, parce que, selon sa propre tradition, c'est Azraïl, l'Ange de la Mort, qui


répond toujours au géomancien... ».

Ainsi donc, lorsque dix années auparavant, nous avions pour la première fois interrogé le Sable
selon le rituel millénaire, que la tradition arabe attribue à Idris, qui est Enoch, lequel l'aurait reçu

en songe d'un Ange (11), nous n'avions nullement été le jouet d'une hallucination causée par les

fumigations.

Pas davantage, nous ne pouvions faire état de lectures involontaires effectuées auparavant et


oubliées, car nous ignorions tout de la tradition relative à la Mort et à sa personnification en Islam.

L'ouvrage de Dion Fortune ne parut que deux ans plus tard, la représentation d'Azraïl revêtu d'un

crêpe noir tombant jusqu'à terre ne fut connue de nous que cinq ans après, et la tradition de cet
Ange Funèbre, protecteur des géomanciens, ne le fut que dix ans après l'apparition.


Dès lors, comment parler de subconscient, de souvenirs oubliés, d'autosuggestion ?...
*

* *



Mais la chose la plus surprenante fut assurément une "manifestation" également inattendue et

non provoquée (du moins consciemment), et qui eut lieu en 1962.
Dans une loge maçonnique pratiquant le vieux Rite Ecossais Rectifié (12), nous devions


"recevoir" un nouveau maître. Peu avant que la partie essentielle du rituel soit mise en oeuvre, un
des neuf maîtres présents à cette initiation dut se retirer. Il le fit dans les formes, selon les usages, et


le déroulement du rituel ne fut suspendu qu'un court instant. Nous demeurions au nombre de huit.
On connaît, par de nombreux récits indiscrets, le magnifique rituel de la mort d'Hiram,

assassiné par trois mauvais compagnons dans le Temple de Jérusalem, désert, puis ranimé et

ramené à la vie par la fidélité de ses disciples. C'est là, certainement, le cérémonial le plus

impressionnant de la Franc-Maçonnerie de tradition. Dans le rituel, Hiram est frappé à trois

reprises, à différents endroits de son corps, et à trois lieux différents dans le Temple. Le


récipiendaire était enfin couché, apparemment mort, sous le drap mortuaire. La loge n'était
éclairée que par les luminaires rituels, dont les petites flammes demeuraient immobiles. J'étais des

six maîtres qui veillaient, glaive en mains, le tombeau du Maître assassiné. Et sur le sépulcre,

verdoyait l'Acacia symbolique. Dans le temple, le silence était total, de même que l'immobilité.


C'est alors que j'eus l'impression que quelqu'un me regardait. Nous avons tous plus ou moins

ressenti cette impression une fois dans la vie.

Malgré moi donc, je tournai la tête dans la direction du couchant, sur ma gauche par

conséquent. Au début de la "colonne" du Nord, l'inoubliable silhouette sombre, voilée du crêpe

fatidique, était là, à la place de ce maître qui venait de quitter la loge... Nous étions toujours neuf...

Mais, instantanément, l'image disparut.

Me morigénant moi-même de ce que je craignais être une nouvelle hallucination, je tournai la

tête et repris ma veille. De nouveau, malgré moi, je sentis encore le même regard posé sur moi.

Tournant la tète, je revis la haute silhouette vêtue de deuil, et, de nouveau, instantanément, tout

disparut.
A ce moment même, la cérémonie reprenait, le silence était rompu par la voix du Vénérable

Maitre, et, avec la résurrection du nouvel Hiram, le temple éclatait de toutes ses lumières...





*

* *



Ainsi donc, à trois reprises, j'ai contemplé l'image de Celui que l'on ne doit voir qu'une fois, à

l'instant de la mort, si nous en croyons l'Ecriture :

« Sans mourir, l'homme ne peut contempler Ma Face, dit l'Eternel... » (Exode : XXXIII, 20).
Il faut donc rencontrer l'Ange de la Mort, avant de franchir ce "seuil" qui sépare notre monde


de l'autre. Il en est très probablement le gardien. D'autre part, il semble que le fait soit coutumier
pour les géomanciens orientaux, car un de nos amis, qui reçut l'initiation géomancique d'un devin


de Mogador, la recul dans un très vieux cimetière, sur une tombe oubliée. En effet, si l'apparition de
l'Ange Funèbre n'était une chose connue, en cette tradition particulière et très occulte, comment


l'Islam orthodoxe la connaitrait-il et pourrait-il l'interdire ?

D'autre part, s'il est le "gardien du Seuil", séparant le monde des vivants de celui des morts, il
est nécessairement l'Ange de toute initiation, puisque le principe de cette dernière est justement

d'accomplir, symboliquement, la mort du "vieil homme" et la résurrection du nouvel être.


Reverrais-je, à l'instant final de toute vie, la haute silhouette vêtue de crêpe, distinguerais-je

sous celui-ci le même regard ironique et indulgent, ou, au contraire, les trois rencontres

accomplies, les trois pas du tré-pas déjà réalisés, la route de l'autre monde s'ouvrira-t-elle

librement devant moi ?

La réponse n'appartient qu'à Dieu... »





*

* *



Au récit d'Aurifer, nous n'ajouterons qu'un simple commentaire.

La tradition religieuse d'Israël, et aussi la Kabbale, connaissent une iconographie semblable.

Pour le Talmud, c'est l'Ange de la Mort, qui porte le nom de Doumiel, qui se présente au

mourant pour conduire son Ame (le neschamah de la Kabale) (13), vers la Shekinah divine, (la

présence de Dieu), ou vers les mondes purgatoriels et expiatoires, ou vers les trois gehennes. Son

nom dérive de l'hébreu doum : silence (14).

Et le midrach cité en épigraphe en tête de cet article, nous dit que : « Ceux qui ont contemplé

l'Ange de la Mort disent qu'il est couvert d'yeux tout entier... ».

Ce sont là probablement les paillettes d'or, miroitant sous le crêpe, dans l'iconographie

ésotérique traditionnelle.

Et nous retrouvons encore des symboles connus du paganisme antique. Le crêpe est

probablement identique à la robe noire recouvrant l'Isis antique, cette terre-mère gardienne des

morts. Et ces paillettes d'or évoquent également curieusement le surnom de Hadès "le Riche"... le

Pluton des latins...


Et cet or, étincelant sous le voile de tristesse, est probablement là pour nous faire souvenir que la
lumière est toujours présente, au-delà des ténèbres qui se dressent sur notre route, et qu'il nous

appartient de franchir, et surtout de vaincre.

Pour l'Islam, l'Ange de la Mort se nomme Azraïl, de l'arabe azzarâ : punir, châtier. Son nom est

synonyme de puissance, de force redoutée. C'est aussi le surnom de ceux que l'on considère comme


des trouble-fête, des importuns, des gens impossibles !
Traditionnellement, Azraïl est représenté dans l'iconographie musulmane populaire avec pour

vêtement, le suaire noir, armé du glaive, parfois de la masse. En ce dernier cas, le présage est

redoutable ; il est censé fracasser l'homme à l'âme d'airain (non perfectible), pour l'envoyer à la

fonderie, qui est le surnom de l'Enfer musulman.

On aurait tort de voir dans la couleur noire un symbole satanique. Azraïl est le bras vengeur de

Dieu. Et sa robe (qui n'est d'ailleurs pas toujours noire, en Islam), symbolise simplement la tristesse,

l'épreuve, mais aussi la puissance, redoutable et redoutée, du porte-glaive de Dieu... Car en Islam,


le deuil ne se porte nullement en noir, mais bien en blanc...
Selon le comportement ultime du mourant, les proches distinguent son sort dans l'autre monde. Son

visage, crispé, grimaçant, manifeste-t-il la terreur, l'épouvante ? C'est l'Azraïl vengeur (le Dieu qui

vient quérir l'âme du moribond. A-t-il pu suivre, avec suffisamment de souffle, la litanie que lui

soufflent ses proches : « Il n'y a d'autre Dieu que Dieu, et Mohammed est son Prophète... » ? Dès

lors, c'est l'Azraïl libérateur qui est venu le quérir à la sortie du corps. Et il va prendre place parmi


les Elus d'Allah.
C'est ici qu'il convient de nous souvenir de l'ésotérisme gnostique de l'Ecriture, et de sa


nécessaire transposition dans le plan spirituel :
« Voici, moi, l'Eternel, j'envoie un Ange devant toi, pour te protéger en chemin, et pour te faire

parvenir au lieu que Je t'ai préparé. Tiens-toi sur tes gardes en sa présence, et écoute sa voix, ne lui

résiste point, parce qu'il ne pardonnera point vos péchés, Mon Nom étant en lui... » (Exode : XXIII,


20).
« En ce temps-là, se lèvera Micaël, le grand prince, conducteur et défenseur des enfants de

notre Peuple... » (Daniel : XII, 1).

Car il convient, au grand carrefour, de ne point se tromper de route... (15).



Note. – Ajoutons encore, au sujet d'Azraël, que ce nom angélique sisignifie "Secours-de-Dieu". Les
Juifs, n'ayant point les saints de notre calendrier, donnent souvent des noms d'Anges aux nouveaunés.

Le nom d'Azraël figure comme tel dans Jérémie (XXXVI, 26) et dans le 1er Livre des

Chroniques (V, 24). Selon le Sepher Gan Eden (édit. Jellinck, III, p. 131), cet Ange serait celui qui


détient un moment les condamnés à la Géhenne dans la première enceinte du Paradis, afin qu'ils

puissent juger de ce qu'ils ont perdu. Ajoutons qu'il s'agit là du Chorège d'un choeur angélique :
celui des Anges préposés à la Mort. Il existe donc une légion d'Anges de cet aspect. C'est ce

qu'expriment les milliers d'yeux qui le couvrent symboliquement. Ajoutons que les Esprits de

Mercure, selon la tradition magique occidentale (voir Pierre d'Aban, Henri-Corneille Agrippa,

etc...), apparaissent comme un amas d'yeux. Or, Mercure était le psychopompe, ou "conducteur des

morts", dans la tradition grecque. Le monde chrétien a attribué ce rôle à saint Michel Archange.

C'est pourquoi les lieux votifs de ce dernier ont souvent pris la pace d'un sanctuaire consacré à

Hermès ou à Mercure psychopompes.
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(1) On nomme midrachim (pluriel de midrach), une branche de la littérature rabbinique. Le

midrach est, à sa façon, un commentaire de la gemara, elle-même commentaire du Talmud.

Midrach et Gemara sont des éléments exotériques de la Kabalah, et on ne saurait les ignorer ni les


passer sous silence, si l'on s'intéresse réellement à cette dernière.
(2) Voir également "Magie maghrébine", par J. F. T., dans le N. 55 d'Initiation et Science.

(3) Tout l'ensemble des objets rituels fut exposé au Collège International d'Occultisme

Traditionnel, rue Washington, à la suite d'une conférence sur le sujet, en 1938.

(4) On monte un thème astrologique pour l'instant précis où la question a été posée, et on


l'interprète selon des aphorismes particuliers.
(5) La Terre (analogue à la Géomancie), n'étant pas représentée dans la chaîne des "Heures

Planétaires" et des "Jours", on lui substitue Mars, comme correspondances analogiques.

(6) Contraction de la phrase hébraïque tirée de la Bible : "Atha Gibor leOlam Adonai". ("Qui est


grand comme Toi, ô Seigneur ?...")
(7) Tout le rituel a été donné par Robert Ambelain en son ouvrage La Géomancie Magique (Paris


1939, Adyar édit.).
(8) Tout le rituel a été donné par Robert Ambelain en son ouvrage La Géomancie Magique (Paris


1939, Adyar édit.).
(9) Une évocation opérée dans les souterrains de Meudon par Jules Boucher lui avait semblé durer

une heure. En réalité, elle en avait pris quatre... Le "temps" est différent d'un "plan" à l'autre.

(10) C'est parce qu'elle était morte depuis deux ans, que le cristal l'avait montrée les yeux clos,


visage couché sur le côté...
(11) Sans doute le même Ange de la Mort.

(12) Ce Rite remonte à 1778. C'est une Maçonnerie chrétienne, fondée par des Martinistes du

XVIIIème siècle, et qui est encore, de nos jours, le Rite préféré de ceux-ci.

(13) Voir dans La Cabbale de Papus (Niclaus, éditeurs), aux pages 157 à 169, l'étude de l'àme

humaine par C. de Leiningen, communication faite à la Société Psychologique de Münich, le 05


mars 1887.
(14) C'est le fort et éclatant "gardien du seuil de droite" dans le 6ème Parvis Céleste (Hekhalôth

rabbati, IX, XV, XIX, et Sepher Raziel, f° 35). Il ne faut pas le confondre avec Doumah, un "prince

des Esprits", dans la 7ème géhenne. (Talmud Berakhot) – Il veille les damnés après avoir été luimême

l'Ange protecteur de l'Egypte.

(15) Nous étudierons le "Grand Carrefour", commun au Pythagorisme, à l'Orphisme, à la Kabbale,

dans une prochaine étude consacrée à L'Autre Monde, étude qui sera suivie de plusieurs autres de


même objet.